Descriptif de l'étape
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ARRÊT 15 > le lac Asal

  L'ITINÉRAIRE (décrit dans le trajet 14)

• LE LAC ASAL > généralités

Le lac Asal (fig. 1) se trouve à 9 km environ, au Nord-Ouest du Ghoubbet al Kharâb. Il est séparé du Ghoubbet par la barrière volcano-tectonique du plancher axial du Rift d'altitude + 155 m.

Cette dépression évaporitique se situe à -155 m au dessous du niveau de la mer. Elle est constituée (fig. 2):

  • d'un lac de saumure (348 g/1 de sels dissous) d'une superficie de 54 km2 et d'une profondeur comprise entre 20 et 40 m
  • d'une « banquise » de sel en forme de croissant de 61 km2 et d'une épaisseur maximale de 80 m. La croûte de sel surmonte le niveau du lac de 0,30 à 0,80m.

Des dépôts de gypse sont abondants dans le lac, gypse récent et autour du lac, gypse ancien formant une ceinture d'une dizaine de mètres au-dessus du niveau du lac.

Le fond du lac est découpé en fossés structuraux, tout comme celui du Ghoubbet et se situe à un niveau identique de - 2OOm.

Les premières descriptions géologiques de ce secteur ont été effectuées en 1886 par M. Aubry. Les principales caractéristiques du lac Asal (Fig. 3) ont été décrites par H.R. Langguth et P. Pouchan (1975).

• LES DÉPÔTS SÉDIMENTAIRES LACUSTRES > anté-Holocène et Holocène

Les dépôts sédimentaires du lac sont d'âge quaternaire à récent (fig. 3). Les sédiments anté-Holocène (Pléistocène supérieur), situés surtout au Nord, à l'Est et réduit au Sud, correspondent à un régime lacustre à diatomites. Ils se sont formés probablement sous un climat moins aride. L'extension des diatomites est étroitement liée au volcanisme et à la tectonique récente du rift. Au Sud-Est du bassin, les diatomites sont totalement absentes du fait des coulées basaltiques. Ces coulées présentent un faciès de volcanisme souvent subaquatique.

D'après la flore lacustre (épisode d'extension lacustre anté-Holocène, 25000 B.P.), il ressort que le lac était assez profond et d'un niveau probablement supérieur à celui du Ghoubbet, les eaux moins concentrées en sels minéraux excluant toute communication directe avec la mer. Le surplus du lac s'écoulait probablement vers le Ghoubbet.
Des corrélations avec les plaines plus à l'Ouest, notamment l'Awash, (datation par méthode du C14 sur les coquilles de gastéropodes) fournissent un âge compris entre 35000 et 25000 ans B.P. (P. Rognon et F. Gasse, 1973), avec un climat plus frais et une pluviosité plus importante.
À cette époque (27600 ans B.P.), la présence de coraux sur la rive Nord du golfe (Arrêt 4 et excursion en mer 7) atteste que le Ghoubbet appartenait au domaine marin (L. Stieltjes 1973).

Après une période d'exondation accompagnée d'un important dépôt de glacis d'érosion au Nord-Ouest, l'Holocène est caractérisé par un nouvel épisode d'ennoyage, matérialisé par des calcaires à faune dulçaquicole qui atteignent la côte 80, sauf au niveau du bombement, où ils peuvent s'élever jusqu'à la cote 110 du fait de la surrection (arrêt 8).

Les dépôts lacustres, d'âge Holocène inférieur et moyen, sont représentés par des calcaires pulvérulents et des diatomites, abondants au Nord et à l'Est. Ils tapissent tous les fossés descendants vers le lac Asal.

Cette sédimentation carbonatée, continue de 8500 à 5300 ans B.P. (arrêt 16), est constituée de calcite et de calcite magnésienne. Ce sont des calcaires marneux, blancs à grisâtres, pulvérulents ou en plaquettes riches en diatomites. Ces formations, limitées par des escarpements subverticaux, sont réduites à quelques buttes témoins isolées et à de simples placages. Elles occupent des fossés tectoniques éloignés du lac actuel, la dépression d'Allol, plus au Nord, s'étendant à plus de 30 km au Nord-Ouest du lac. Ces dépôts sont absents sur le versant du Ghoubbet.
Il y a plus de 6000 ans, la superficie du lac était de 1 100 km2 (fig. 4) englobant, y compris le lac Asal, les dépressions du Sâkâlol, d'Harrâlol, du Dika, du Dêr'Êla et du Gaggade. Au Nord-Ouest du lac (oued Doubye), des anciennes lignes de rivage sont situées à plus de 160 m au niveau du rift émergé, arrêt 8 (F. Gasse, 1975).

L'assèchement climatique entraîne la régression du lac et une concentration des eaux en sels minéraux, avec des dépôts de gypse autour du lac. La présence du gypse n'est pas seulement due au facteur climatique, mais aussi à un bouleversement volcano-tectonique entraînant des apports d'ions sulfates par hydrothermalisme et d'eau de mer du Ghoubbet par les fractures.

• LES ÉVAPORITES > le gypse et le sel

  • Le bassin évaporitique

L'alimentation du lac en eau et en sels dissous se fait principalement à partir du réservoir marin, à la faveur du réseau de failles longitudinales (axiales) du rift (Arrêts 8 et 13). Accessoirement cet apport est complété par les venues hydrothermales localisées. Ces eaux, fortement concentrées en sels minéraux à leur arrivée dans le lac, se concentrent rapidement et déposent du gypse sur le fond du lac. Au cours de leur circulation dans le lac (fig. 3), elles se concentrent encore par évaporation et finissent par déposer le sel (NaCl) qui constitue la banquise de sel (Fig. 7).

Le passage d'une sédimentation lacustre à une sédimentation saline et l'abaissement de la surface du plan d'eau sont dus à des facteurs tectoniques, climatiques, hydrologiques et cristallographiques: bombement, fracturation, évaporation de la nappe d'eau du lac et alimentation marine à sens unique, puis aridification du climat, et / ou colmatage des fissures par cristallisation des sels (carbonates et sulfates) à partir des eaux de mer ce qui aurait pour effet de réduire progressivement l'alimentation marine du lac.

  • Le sel: croissance minérale et origine

Le sel (halite), de nature tendre, friable, cristallise dans le système cubique. Sa couleur blanche, orange, rouge, jaune, grise, marron et même bleue dépend du type d'impuretés qu’il renferme (oxydes de fer, particules argileuses, matières organiques).

Les cristaux précipitent à partir d'une solution aqueuse supersaturée en chlorure de sodium (NaCl). La cristallisation prend place dans divers sites (cf. J.M. Rouchy et al., 1986 ; C.R. Handford, 1991). À l'interface air/saumure, une nucléation cristalline se crée et forme dans un premier temps des trémies de sel, puis des lamelles et enfin des radeaux (Fig. 8). La masse volumique des radeaux est toujours supérieure à la densité de la saumure, mais les radeaux, creux, sont maintenus en surface par les tensions capillaires tant que la surface de la saumure est calme, ils peuvent se souder et permettre la croissance d'une croûte (Fig. 8). Agités par le vent, les radeaux prennent l'eau, sombrent et se cimentent pour former un nouveau socle sédimentaire dans le lac. À partir de ce nouveau plancher, une cristallisation de direction préférentielle verticale, prend naissance pour former des cristaux en forme de cube, de chevron (Fig. 8) ou de cornet.

En bordure de cette vaste plaine de sel, s'accumulent des grains de sel arrondis, en barres lobées. Une étude granulométrique montre une croissance discontinue de ces grains. L'étude au MEB (microscope électronique à balayage) fait apparaître à la fois une structure fibro-radiaire et concentrique. Leur réseau cristallin est infesté de corps bactériens fossilisés (S. Castanier et al. 1992, 1999).
La formation de ces haloïdes pourrait être liée en partie à l'activité de populations bactériennes à la surface de ces grains et à leur régulation osmotique dans un environnement isotrope.
Certaines bactéries dites halophiles extrêmes ne se développent qu'à partir de fortes concentrations salines (au dessus de 80 g/l).
Ces bactéries ont résolu le problème directement en développant au cours de l'évolution une membrane cytoplasmique dont la structure est adaptée à un milieu extérieur fortement hypertonique. Leur existence est limitée à cette niche écologique très particulière (J. Lovelock, 1990).
Localement, des billes de sel peuvent se déposer formant des bancs par cimentation (Fig. 8). Ces petites billes de sel, peuvent aller du plus petit grain millimétrique au galet de plus de 2 cm de diamètre.

  • Les formations gypseuses

Les dépôts gypseux correspondent à la dernière phase de régression du lac Asal commencée à partir de 6200 ans B.P.. Le gypse ancien est daté à partir de 5400 ans B.P.. A cette époque, le Lac Asal n'est plus un lac d'eau douce. L'apport d'eau de mer a été rendu possible par l'ouverture de fractures profondes entre le Ghoubbet al Kharâb et le Lac Asal.
Comme pour les halites, deux phénomènes sont à l'origine de cette importante formation gypseuse:
• des événements tectoniques qui ont permis l'ouverture de fractures profondes entre le Ghoubbet et le Lac Asal
• des changements climatiques responsables d'une forte évaporation du lac non compensée par les apports (Fig. 7) entraînant une régression jusqu'au niveau actuel.

Les dépôts de gypse n'ont pas cessé depuis 5400 ans. On distingue:
• le gypse ancien formant une ceinture de quelques dizaines de mètres autour du Lac Asal, il repose au-dessus des dépôts carbonatés holocène correspondant aux différentes périodes du paléolac (Fig. 4) et sont souvent intercalés avec des événements volcaniques tardifs (excursion 13),
• le gypse récent qui cristallise sur les berges orientales où l'eau est moins concentrée (apport direct d'eau de mer par les fractures, excursion 13) et au fond du lac, donnant par transparence une couleur ocre à l'eau du lac (Fig. 1 et 6).

• LA BANQUISE DE SEL DU LAC ASAL, LES OUEDS KALOU ET DOUBIÉ >

Le sel de la banquise a toujours été exploité par les Afars comme monnaie d'échange, transporté par caravanes vers l'Ethiopie et la Somalie. Il contient 98% de chlorure de sodium (analyse effectuée en 1981 et 1999, fig. 2).
Depuis 1999, la banquise de sel est exploitée industriellement. Actuellement, une dizaine de compagnies installées sur les marges externes méridionales exploitent approximativement 150 mégatonnes de sel par an (1999), exportées par camion principalement vers l'Ethiopie (fig. 10).

Trois oueds dont l'oued Kalou et l'oued Doubié terminent leur cours sur la banquise du lac Asal, ils apportent lors des pluies (en moyenne deux fois par an) de l'eau douce et charrient des matériaux fins et des débris végétaux qui recouvrent alors la banquise (fig. 9).

Sur la rive septentrionale, les oueds Aroyra et Dafarré représentent les autres importants apports en eau vadose.

© 2000-2002 J-P Berger & A-M Caminiti

Mise à jour le 23.8.2003
Documents

• Carte IGN de Djibouti au 1:200000
• Carte géologique du Rift d'Asal
au 1:50000, L. Stieltjes (B.R.G.M.) et carte de Tadjourah (ISERST).

Itinéraire
Accès à la carte de l'excursion
et à la carte géologique

Concernant le Lac Asal, consulter aussi les:
• Arrêt 4
• Arrêt 8
• Arrêts 12 et 13
Arrêt 16


Figure 1. Vue sur le lac Asal depuis la fin de la piste

Figure 2. Les principales caractéristiques du lac Asal (d'après H.R. Langguth et P. Pouchan, 1975).

Figure 3. Carte schématique des dépôts sédimentaires du lac Asal (d'après Stieltjes 1973 et F. Gasse 1975, modifié).

Figure 4. Carte simplifiée du Paléolac Asal (d'après F. Gasse, 1975, modifié).

Figure 5. Gypse ancien (photographie).

Figure 6. Trois vues du lac Asal (photographies légendées).

Vue dur le rift depuis la rive occidentale du lac Asal en automne, époque de formation des billes de sel.


Figure 7. Actuellement le niveau du lac reste stable: schéma des échanges (A.M. Caminiti).

Figure 8. Différentes formes de cristallisation du sel (photographies).

Figure 9. La banquise à l'embouchure de l'oued Doubié
Banquise occidentale du lac Asal

Figure 10. Exploitations ancestrale et industrielle (photographies)